Wikimédia France/Régulation du numérique/Liberté de panorama

Wikimédia France milite depuis de nombreuses années pour doter la France d'une nouvelle exception au droit d'auteur : la liberté de panorama. Le sujet fut évoqué pour la première fois au Parlement en 2005, puis à nouveau sous l'impulsion de Wikimédia France en 2011, 2015 et 2016. Grâce à Wikimédia France, la France s'est dotée d'une exception de panorama en 2016. Il s'agit d'une exception au droit d'auteur par laquelle il est permis de reproduire une œuvre protégée se trouvant dans l'espace public. Malheureusement le législateur a voté une loi en totale inadéquation avec les usages actuels des internautes. D'une part les wikis de la Fondation Wikimedia ne peuvent profiter de cette exception. D'autre part, la publication par les internautes sur les réseaux sociaux comporte une insécurité juridique car si les internautes sont dans leur droit, les opérateurs de plateforme ne sont pas autorisés légalement à héberger ces publications.

Texte

Questions-Réponses

    Simple internaute, je peux quand même publier ces photos sur les réseaux sociaux, mon site/blog personnel ou sur les projets Wikimedia ?

Ce n’est pas parce que les sociétés d’auteurs vous assurent qu’elles ne vous poursuivront pas que vous ne courrez aucun risque juridique. En l’absence de liberté de panorama en France, elles conservent la possibilité de vous attaquer en justice. Elles pourraient, notamment, être tentées de le faire si certaines images commençaient à attirer l’attention et à devenir connues.

De plus, la plupart des réseaux sociaux imposent dans leurs conditions générales d’utilisation de ne pas poster des images qui enfreignent les droits de propriété intellectuelle. Cela implique également que vous seriez en violation de vos engagements contractuels. Le fait que la plupart des sites ne surveillent pas les images importées ne change rien à ce que des milliers de Français partagent innocemment des images et ne respectent pas la loi quotidiennement. A ce sujet, les utilisateurs devraient également savoir que les pénalités pour contrefaçon peuvent être lourdes (sanctions civiles et pénales « punie de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende »). En attendant que la loi change, même pour ces utilisations, vous devriez demander l’autorisation de reproduction à l’architecte ou ses ayants-droit, et, le cas échéant, payer des droits de reproduction et tout cela jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur.

    Alors, une exception de panorama non-commerciale ou non-lucrative résoudrait l’affaire ?

La question est plutôt : existe-t-il des endroits non-commerciaux sur Internet ? Proposer une définition si ambiguë viderait cette exception de son sens et de ses possibilités. Nous nous retrouverions avec une liberté “obsolète” qui n’est pas compatible avec l’environnement dans lequel nous vivons.

Les particuliers ne pourraient aucunement profiter de la liberté de panorama sur les réseaux sociaux. Pour illustrer ce propos, si vous utilisez Facebook, et donc que vous en avez accepté les conditions d’utilisation, lorsque vous postez une photo cela implique que Facebook peut à tout moment l’utiliser à des fins commerciales((Section 9.1)). Votre acte est donc déjà considéré comme commercial. Au-delà des réseaux sociaux, il est difficile de cerner le caractère non-commercial ou commercial de l’usage d’une photo sur un site ou blog personnel. En effet, ces pages incluent la plupart du temps des bannières publicitaires pour payer l’hébergement du site (cette compensation est devenue le mode de fonctionnement actuel d’Internet). A quel moment votre site perd-t-il son caractère non-commercial ? Quand vous touchez une première rémunération pour publicité ? Quand cette rémunération dépasse les simples coûts de gestion et d’hébergement de votre page ? Ainsi, cette limitation n’apporterait rien car la notion floue d’usage commercial implique d’être définie. Le législateur ne le fera pas, laissant cela aux tribunaux. Pour exercer son droit, le public devra donc se lancer à l’aventure, au risque d’être assigné en justice…

    Cette exception occasionne le non-respect de l’œuvre et des pertes économiques pour les auteurs ?

Comme toute exception, l’auteur conservera son droit moral, et donc, son droit d’agir en justice pour faire respecter son œuvre.

L’exception ne touchera que les droits patrimoniaux de l’auteur ou de ses ayants-droit. A ce sujet, d’énormes pertes économiques sont régulièrement pointées du doigt pour refuser cette liberté. Pourtant, à aucun moment, il n’est fourni de données précises pour démontrer et détailler l’ampleur de ces pertes pour les auteurs eux-mêmes. Le ministère de la Culture et le lobby de l’industrie culturelle se mobilisent strictement, sans justification, contre toute nouvelle exception au droit d’auteur. Ainsi, ne sont jamais envisagées les opportunités économiques qu’offriraient la liberté de panorama. Dans un contexte où le partage de photos et de vidéos sur Internet est massif, la liberté de panorama :

  • ferait connaître les artistes à l’étranger ;
  • déclencherait d’éventuelles nouvelles commandes ;
  • développerait l’attrait pour le tourisme ;
  • permettrait un accroissement de la compétitivité : les entrepreneurs français bénéficiant ainsi des mêmes droits que les étrangers vivant dans les nombreux pays ayant adopté cette législation…

Le droit d’auteur étant fait, à l’origine, pour protéger l’auteur et stimuler sa créativité, photographes ou réalisateurs ne prendront plus de risques à intégrer une œuvre de l’espace public en son entier. Pour l’instant, les juges français autorisent seulement la représentation d’une œuvre située dans un lieu public lorsqu’elle est accessoire au sujet principal traité, c’est à dire en arrière-plan, présente fortuitement((Cass. 1re civ., 12 mai 2011, n°08-20.651 : JurisData n°2011-008403)) : au loin, sur un côté, sans faire exprès …

    Seule Wikimédia veut cette exception pour se faire de l’argent sur le dos des auteurs ?

Lors des débats européens, Wikimedia était loin d’être le seul acteur engagé pour une liberté de panorama. Membres de sociétés d’auteurs, associations d’architectes, de photographes et de journalistes se sont mobilisés pour une liberté de panorama sans restrictions (notamment en Allemagne et au Royaume-Uni où une liberté de panorama commerciale existe déjà).

Actuellement ce sont les associations estoniennes d’architectes qui demandent que la liberté de panorama non-commerciale en Estonie devienne totale. Seules certaines sociétés d’auteurs françaises sont positionnées contre cette exception. Elles ont tenté de définir Wikimedia comme une société américaine, ayant pour but de gagner de l’argent en ne payant pas les créateurs. Rappelons que Wikimedia France est une association loi 1901, qui fait partie de l’économie sociale et solidaire et qui œuvre au sein de l’économie de partage. L’association, au même titre que la fondation Wikimedia, n’est absolument pas propriétaire des contenus. Elle se positionne en appui d’une communauté, notamment de photographes (par le biais de son projet Wikimedia Commons). Ce sont ces utilisateurs qui administrent les projets, dans un but de libre diffusion de la connaissance. Notre association ne réalisera donc pas de bénéfice en lien avec la liberté de panorama. Simplement, pour nous, l’absence de liberté de panorama est une privatisation de l’espace commun, d’autant plus que les artistes ont sciemment consenti à exposer leurs œuvres au public et que, souvent, ils ont bénéficié de fonds publics pour les réaliser. Du point de vue de la diffusion de la connaissance, cette liberté serait une grande avancée : vous pouvez passer tous les jours devant un bâtiment ou une sculpture mais vous ne pouvez pas les partager ! C’est tout un pan de la culture que nos bénévoles contributeurs pourraient valoriser sur les projets Wikimedia, comme Wikipédia.

    Faut-il attendre la révision de la directive européenne sur le droit d’auteur ?

Les débats européens ne sont pas à prendre comme une fatalité qui empêcherait l’inscription, dans le droit national, d’une notion comme la liberté de panorama. Un pas français vers cette exception au droit d’auteur serait justement l’occasion d’avoir un impact auprès de la Commission européenne, qui vient seulement d’inscrire l’exception dans son agenda.

Avec une proportion de 82 % des États membres de l’Union européenne ayant déjà adopté la liberté de panorama, l’inscription dans la loi française permettrait à la Commission européenne de prendre la décision d’harmoniser l’exception et de couper court à toute insécurité juridique en Europe. Notre proposition d’amendement s’étant placée comme la 8e proposition la plus votée favorablement de la plateforme de consultation citoyenne du projet de loi et le soutien de 127 députés pour cette liberté sont justement des signes dont la Commission pourrait se saisir.

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2016. Loi pour une République numérique edit

    Article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle

Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

10°) Les reproductions et représentation des oeuvres architecturales et des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.

  • 8 octobre 2016. Promulgation de la loi au Journal officiel
  • 28 septembre 2016. Adoption par le Sénat
  • 20 juillet 2016. Adoption par l'Assemblée nationale
  • Commission mixte paritaire
  • 3 mai 2016. Adoption par le Sénat
  • 28 avril 2016. Séance publique — Sénat — Amendements Assouline, Barbier
    Amendement n°392 rectifié d'Assouline

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

Exposé sommaire

Le bénéfice de l’exception au droit d’auteur pour liberté de panorama doit être réservé aux seuls particuliers.

    Amendement n°205 de Barbier

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 10° La représentation d'oeuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique par des personnes physiques à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial. »

Exposé sommaire

La libre utilisation par des associations type loi 1901 risque de conduire à un détournement d'usage difficile à contrôler en raison de la grande diversité de ce type dassociations.

    Débats du 28 avril 2016 (Sénat)

Article 18 ter

Après le second alinéa du 9° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique par des personnes physiques ou des associations constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial. »

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.

M. Patrick Abate. La liberté de panorama, maintes fois évoquée, sujet de maints débats souvent repoussés, doit aujourd’hui nous permettre de poser cette question fondamentale : comment juger le conflit entre les droits d’expression et de création et le droit de paternité ?

Quinze ans après la directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, un an avant le probable marché numérique unique, la France fait partie des sept pays du continent – non pas de l’Union Européenne, mais de toute l’Europe – à ne pas avoir légiféré sur cette liberté, se reposant sur une jurisprudence pour le moins étoffée. Or cette dernière ne saurait être aussi précise et stable que la loi. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous féliciter de l’existence de cet article, dont la rédaction, par contre, ne peut nous satisfaire.

Le plus gros problème est aujourd’hui celui de l’exercice à titre gracieux de la liberté de panorama sur des plateformes numériques, lesquelles engrangent sans contrepartie – nous n’allons pas refaire la démonstration « Facebook » – de l’argent sur les œuvres reproduites, par le biais de la vente de données ou d’espaces publicitaires.

Pour revenir sur la portée générale de cet article et sur le conflit de droits qu’entraîne la liberté de panorama, il nous semble important de rappeler la place que doivent occuper la culture et les arts dans notre société. À nos yeux source d’émancipation, ces domaines ne sauraient être restreints par une minorité de personnes du fait d’un droit d’auteur hégémonique, auquel il ne pourrait être dérogé.

Toutefois, si la liberté de panorama permet une dérogation, elle ne doit pas se muer en spoliation de l’œuvre au détriment de l’artiste. De fait, la richesse créée par la liberté de panorama doit être partagée entre le créateur et le bénéficiaire.

Dans ce cadre, nous serons amenés à nous opposer aux amendements tendant à généraliser cette liberté, à ouvrir les vannes de la marchandisation sans contrepartie pour les créateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Il s’agit d’un débat important dont nous devons bien comprendre les enjeux.

Le droit d’auteur est entré dans notre loi fondamentale après un long combat, ce qui a permis de protéger les créateurs et la création française. Aujourd’hui, la révolution numérique vient percuter la façon dont nous appréhendions ce droit.

Nous avons eu le même débat à propos de la musique ou du cinéma. Il s’agit aujourd’hui de la liberté de panorama.

L’Assemblée nationale a été sage en créant une exception au droit d’auteur afin de tenir compte des usages. Car l’objet de ce projet de loi est d’accompagner cette révolution numérique, de ne pas ériger de barrages conservateurs, tout en permettant à la République de continuer d’asseoir ses principes, au sein de cette révolution numérique, et de nous protéger.

L’Assemblée nationale n’a pas voulu qu’un particulier puisse être poursuivi pour avoir pris une photo d’un monument ou d’une œuvre dans l’espace public et l’avoir ensuite postée sur Facebook et envoyée à sa famille ou à ses amis. Nos collègues députés ont voulu mettre fin à cette possibilité, à cette petite hypocrisie, en créant cette exception.

Mais, comme toujours, certains ont voulu utiliser cette liberté donnée aux particuliers pour faire valoir des intérêts visant à spolier et fragiliser les créateurs, les artistes plasticiens, les arts visuels en général. Nous les connaissons tous, je parle de lobbies qui militent depuis longtemps en ce sens – je songe, par exemple, à Wikimedia…

Je rappelle tout de même que les responsables de Wikimedia ont refusé de signer un accord garantissant les droits d’auteur en échange d’un accès à toute la bibliothèque des œuvres. Ils veulent pouvoir bénéficier du dispositif sans se soucier du sort d’artistes qui – je le souligne devant la Haute Assemblée – sont particulièrement fragilisés et ne peuvent vivre que des droits d’auteur. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 205, présenté par M. Barbier, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La commission de la culture a souhaité étendre l’exception au droit d’auteur décidée à l’Assemblée nationale aux associations à but non lucratif. Certains pourraient trouver cela judicieux, en considérant que ces associations ne font pas d’argent.

En réalité, ce serait un terrible cheval de Troie ! Il y a toutes sortes d’associations à but non lucratif. Et certaines font de l’argent ! Elles ne sont nullement tenues de ne pas faire de bénéfices ; leur seul impératif est de les réinvestir dans leur activité. L'Union des associations européennes de football, l’UEFA, la Fédération internationale de football association, la FIFA, et bien d’autres structures ont un statut d’association. Il y a même des associations dont l’objet est d’éditer des cartes postales ; elles pourraient donc diffuser des œuvres sans que l’auteur en tire la moindre contrepartie.

Nous ne pouvons pas accepter cela. Et il est évidemment encore moins question de procéder à une libéralisation totale en étendant le dispositif aux entreprises.

Je tiens à rappeler que la majorité des professionnels des arts visuels de notre pays vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Ne nous laissons pas abuser par le cas particulier des quelques artistes que l’on voit partout et qui vivent tranquillement.

Les droits d’auteur que les artistes perçoivent lorsque leurs œuvres sont utilisées pour la publicité sont importants ; ils représentent 60 % de leurs revenus. En supprimant cela, nous aggraverions la situation d’une profession déjà fragilisée faute de grande organisation pour la défendre, à l’instar de ce qui existe pour la musique ou le cinéma. Imaginez d’ailleurs la révolution qu’il y aurait en France si on prenait une décision similaire pour la musique ou le cinéma !

Nous devons, certes, accompagner une évolution, mais non sacrifier l’ensemble d’une profession par une législation hâtive !

Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale qui empêche les poursuites contre les particuliers permet d’éviter tout problème. N’allons pas au-delà.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 663, présenté par MM. Barbier, Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Amendement n° 392 rectifié, alinéa 3

Remplacer les mots :

particuliers à des fins non lucratives

par les mots :

personnes physiques, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Ce sous-amendement vise à limiter la liberté de panorama aux seules personnes physiques, à l’exclusion de tout usage directement ou indirectement commercial.

Il est nécessaire d’introduire en droit français la liberté de panorama, exception au droit d’auteur par laquelle les reproductions ou représentations de l’image d’une œuvre d’architecture protégée dans l’espace public sont autorisées. Cela permet la communication au public et le rayonnement du patrimoine français. Mais cela doit s’effectuer sous certaines conditions.

D’une part, la liberté de panorama ne doit pas être étendue aux activités commerciales, auquel cas il serait légitime de rémunérer justement les auteurs et de recueillir leur accord.

D’autre part, cette liberté doit être limitée aux seules personnes physiques et exclure – cela vient d’être dit – les associations « loi 1901 », qui regroupent une grande diversité d’entités, dont certaines sont puissantes. Le fait de leur accorder la liberté de panorama pourrait conduire à un détournement d’usage.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 71 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, Pellevat, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Savary, Bouchet, Vasselle, P. Leroy et Dallier, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard, Magras et L. Hervé.

L'amendement n° 196 est présenté par MM. Rome et Sueur.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

par des personnes physiques ou des associations constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial

La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié bis.

M. Patrick Chaize. La liberté de panorama permet de reproduire une œuvre, essentiellement architecturale, qui se trouve dans l’espace public, mais qui attend encore son entrée dans le domaine public. Elle permet aussi de publier sur internet des photos de vacances lorsqu’un bâtiment ou une sculpture récente se trouvent au centre du cliché. Elle permet enfin à chacun de publier ses propres photos sur Wikipédia, afin d’enrichir des articles relatifs aux auteurs ou aux œuvres.

Proposée parmi diverses exceptions au droit d’auteur par la directive européenne de 2001 et inscrite dans la majorité des législations européennes, l’exception n’a toujours pas été introduite en droit français.

À ce jour, seule la représentation accessoire de l’œuvre est admise. Selon la jurisprudence, « la représentation d’une œuvre située dans un lieu public n’est licite que lorsqu’elle est accessoire au sujet principal représenté ou traité. »

En dehors d’un tel cas de figure, le code de la propriété intellectuelle considère comme contrefacteur toute personne publiant une reproduction photographique d’un espace public comprenant une telle œuvre. C’est tout l’enjeu du débat.

Dès lors que le fait de prendre des photos dans l’espace public devrait être une liberté pleine et entière, celui qui choisit de construire un bâtiment dans l’espace public ou d’y diffuser une œuvre par le truchement de deniers publics ne devrait pas pouvoir privatiser la vue de tous au nom du droit d’auteur. Ce paramètre d’espace public induit par lui-même la potentialité d’une diffusion sans entrave.

Aucune expropriation de l’auteur vis-à-vis de son œuvre ne semble être opérée dans ce cadre. Au contraire ! En outre, l’avantage de nouvelles commandes suscitées par une popularité grandissante et une présence renforcée sur les réseaux sociaux et sur le net est loin d'être négligeable.

Par ailleurs, il est aujourd’hui très difficile de définir la nature commerciale ou non de la diffusion d’une représentation photographique sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes accueillant de la publicité.

À quel moment un site perd-il son caractère non commercial ? Facebook, qui peut utiliser à tout moment à des fins commerciales les photos diffusées par les internautes, rend-il ces derniers contrefacteurs de fait ?

L’introduction d’une liberté de panorama dans la législation française apporterait de la sécurité juridique non seulement à l’échelon national, avec la création d’un cadre légal fixe qui éviterait l’apparition d’exceptions prétoriennes instables, mais également à l’échelle européenne, par l’harmonisation des systèmes législatifs. Cette avancée française vers une liberté de panorama pourrait avoir un effet dans les discussions européennes sur la révision de la directive. À l’heure de l’open data, cela permettrait de faire connaître une avancée significative et cohérente à nos débats.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 664, présenté par MM. Barbier, Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Amendement n° 71 rectifié bis, alinéa 3

Supprimer les mots :

par des personnes physiques

et les mots :

, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Ce sous-amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour présenter l'amendement n° 196.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à étendre la liberté de panorama à toute personne pour tout usage.

Comme cela a été rappelé, la révolution numérique a bouleversé toutes les organisations. Elle crée une insécurité juridique pour les citoyens. En effet, sur les réseaux sociaux, notamment Facebook ou Instagram, la diffusion de l’image d’une œuvre protégée dans l’espace public est presque quotidienne, et elle est tolérée de facto.

Il y a également un enjeu économique. La libre réutilisation par un écosystème français dynamique des œuvres dans l’espace public peut être un fabuleux levier de croissance. Pour preuve, selon les conclusions du Conseil national du numérique, la valeur des images présentées sur Wikimedia pour des start-up innovantes est estimée à plus de 200 millions d’euros.

L’attractivité de la France pourrait être considérablement renforcée par une telle évolution législative. Sur Wikipédia, une grande majorité de pages relatives aux communes françaises sont mal ou peu illustrées. Or Wikipédia, qui fait partie des dix sites internet les plus visités au monde, constitue une réelle vitrine du patrimoine français pour le reste du monde.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’indiquait M. Assouline, l’enjeu pour les créateurs est d’accroître leur notoriété, qui progressera avec la diffusion de leurs œuvres sur l’ensemble des réseaux sociaux. C’est ce qui leur permettra de s’y retrouver financièrement.

En réalité, pour l’instant, le système favorise les grands créateurs. Je ne pense pas que M. Buren souffrirait d’une plus grande diffusion de l’image de son œuvre… En revanche, les petits créateurs, dont la notoriété serait accrue, seraient les principaux bénéficiaires de la mesure que je propose.

Au demeurant, cela permettrait à notre pays de s’aligner sur ses principaux partenaires européens, dont 60 % ou 70 % ont fait le choix de la liberté de panorama. Je pense notamment à l’Allemagne, au Royaume-Uni et à la Pologne.

Enfin, d’un point de vue philosophique, je considère que ce qui est dans l’espace public appartient à tout le monde. Certes, nous devons prendre en compte l’intérêt des créateurs. Mais nous ne pouvons tout de même pas ignorer la pétition en ligne en faveur de la liberté de panorama qui a recueilli plus de 20 000 signatures !

Mme la présidente. L'amendement n° 197, présenté par MM. Rome et Leconte, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou indirectement

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Je souhaite d’abord apporter une précision. L’article 18 ter inscrit dans la loi ce qui était jusqu’à présent un usage. Le comportement des internautes ne changera pas après l’adoption du projet de loi. Au contraire ! Le dispositif que nous proposons apporte indiscutablement une sécurité juridique.

Par son amendement n° 392 rectifié, M. Assouline suggère de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.

D’abord, l’expression « personnes physiques » nous a semblé plus pertinente que la référence aux « particuliers ».

Ensuite, nous avons jugé souhaitable d’étendre le dispositif aux associations à but non lucratif. Je pense par exemple aux associations qui mettent en valeur le patrimoine local.

Enfin, il paraît judicieux que l’interdiction vise « tout usage à caractère directement ou indirectement commercial ». La mention des « fins non lucratives » pourrait laisser penser qu’une structure ayant une activité commerciale, mais ne gagnant pas d’argent – il y en a – serait concernée par l’exception.

Pour toutes ces raisons, la rédaction de la commission nous semble préférable.

Cela étant, monsieur Assouline, j’entends vos arguments sur les associations. Je pourrais donc me prononcer en faveur de votre amendement n° 392 rectifié, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 663 et d’une rectification. Je souhaite que les mots « sur la voie publique » soient remplacés par les mots « dans l’espace public ». (M. David Assouline acquiesce.) Ces deux modifications nous permettraient d’aboutir à une rédaction consensuelle, avec l’expression « personnes physiques », qui est préférable juridiquement, l’interdiction de « tout usage à caractère directement ou indirectement commercial » et la mention de « l’espace public ». Dans ces conditions, je pourrais alors émettre un avis favorable sur votre amendement, mon cher collègue.

Les amendements identiques nos 71 rectifié bis et 196 visent à supprimer toute limitation à l’exception de panorama relative au bénéficiaire ou à l’objectif poursuivi. Cette proposition a déjà été formulée – et rejetée ! – en commission.

Ma position n’a pas varié. L’introduction de l’exception de panorama en droit français, permise par la directive européenne du 22 mai 2001, est utile. Elle prend logiquement acte d’une pratique fréquente, et jamais punie, des particuliers qui photographient à des fins personnelles des bâtiments et sculptures installés dans l’espace public.

L’élargir à tous, y compris à des entreprises, et pour n’importe quel type d’usage, va bien au-delà de l’esprit d’une exception au droit d’auteur. Nous ne devons pas priver déraisonnablement un créateur de ses droits. Comment justifier qu’une entreprise de vêtements ou de cartes postales fasse commerce d’une image pour l’usage de laquelle elle n’aurait pas rémunéré l’auteur ?

À cet égard, le compromis trouvé à l’Assemblée nationale, lequel a été précisé dans sa rédaction et élargi par la commission de la culture, me semble répondre aux défenseurs de la liberté de panorama, dans les limites d’une juste rémunération des auteurs, dont nous devons prendre l’intérêt en compte.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 197 vise à élargir l’exception de panorama aux usages indirectement commerciaux. Une telle modification permettrait à toute personne physique ou morale de récupérer une photographie de bâtiment ou de sculpture extérieure mise à disposition par un particulier dans le cadre autorisé de l’exception pour un usage commercial sur lequel le créateur de l’œuvre ne bénéficierait d’aucune rémunération. La commission de la culture y est hostile.

Mme la présidente. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission de la culture ?

M. David Assouline. Oui, madame la présidente, ce pour des raisons juridiques.

L’expression « voie publique » fait référence à la route ou à l’autoroute. Celle d’« espace public » est plus large. Mais ce n’est pas le « domaine public » ; les musées ne sont donc pas visés. Je tenais à le préciser pour rassurer les professionnels concernés.

Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 392 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, M. Guillaume, Mmes Blondin, Cartron et D. Gillot, MM. Magner et Manable, Mme D. Michel, MM. Camani, F. Marc, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 10° Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence dans l'espace public, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La liberté de panorama est un sujet très discuté. Le Gouvernement a fait évoluer sa position entre le débat à l’Assemblée nationale et l’examen du présent texte par le Sénat.

Nous sommes dans le cas de figure typique d’un décalage entre les nouvelles pratiques permises par les outils numériques et le droit.

Je pense qu’il faut maintenir l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale. La liberté de panorama doit être reconnue pour permettre, par exemple, à des particuliers de photographier des œuvres situées sur la voie publique, mais elle ne doit pas être étendue aux pratiques menées à des fins commerciales.

Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’extension aux associations.

Face à la transition numérique, le rôle des pouvoirs publics est, certes, d’anticiper et de préparer l’avenir, mais c’est aussi de protéger les publics qui pourraient avoir à subir les conséquences de telles évolutions.

En l’espèce, nous parlons d’une population très fragilisée ; tous les artistes n’ont pas forcément pleinement intégré les innovations les plus en pointe en matière de création. Il s’agit de designers, de graphistes ou de certains photographes, non pas de stars de cinéma ou de grandes maisons d’édition anglo-saxonnes ayant profité des phénomènes de concentration pour se transformer en multinationales !

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 71 rectifié bis, 196 et 197, ainsi qu’aux sous-amendements nos 663 et 664.

Je comptais émettre un avis de sagesse sur l’amendement n° 392 rectifié. Mais, après rectification, celui-ci est devenu l’amendement n° 392 rectifié bis. Or je n’ai pas été en mesure de faire expertiser juridiquement le remplacement de la référence à la « voie publique » par la mention de l’« espace public », même si j’en comprends l’objectif. Je suis donc contrainte de me déclarer défavorable à cet amendement dans sa nouvelle rédaction. Le débat sur le sujet pourra se poursuivre lors de la tenue de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Je constate que, depuis ce matin, notre tropisme libéral est à géométrie variable !

Le TDM était plébiscité par les chercheurs en sciences, la Conférence des présidents d’université, l’ensemble du monde universitaire, ainsi que par un journal aussi révolutionnaire que Les Échos. (Sourires.) Et pourtant, ce fut un échec. Je vous avoue ma perplexité par rapport à ce qui a été décidé.

Je vais essayer d’avoir un raisonnement pondéré sur la liberté de panorama.

J’appartiens à une famille politique dans laquelle le courant libertaire est très puissant, d’où une vision très généreuse en la matière. En plus, j’adore Wikipédia ; nous sommes tous très contents d’y être mis en avant. Je comprends donc certains arguments.

Néanmoins, nous n’avons pas déposé d’amendements sur cet article. Je tiens à m’en expliquer.

Il se trouve que je suis présidente du groupe d’études Photographie et autres arts visuels, ce qui me permet de faire une minute de publicité. (Sourires.) Ce groupe d’études ne rencontre pas les lobbies ou les artistes riches. Il défend les étudiants des écoles d’art – il pourrait s’agir de nos enfants ! – qui ont besoin de pouvoir vivre du produit de leur travail.

Il faut, me semble-t-il, concilier notre utopie de libéralité avec la situation de ces jeunes étudiants. Il s’agit d’artistes photographes ou de plasticiens, souvent issus de milieux populaires, et non d’architectes fortunés. Or, compte tenu du modèle économique, leurs revenus comprennent aussi le droit d’auteur, ou ce qu’il en reste ! Nous devons trouver un équilibre.

J’ai bien compris que le Gouvernement n’avait pas pu faire expertiser la rédaction retenue après rectification. Mes amis et moi-même assumons nos positions, même quand elles correspondent à l’opinion dominante.

Il faut soit chercher un dispositif équilibré qui préserve les intérêts des uns et des autres, soit inventer quelque chose de totalement nouveau pour nos artistes !

Voilà pourquoi nous n’avons pas souhaité amender cet article. Certes, nous aimons beaucoup Wikipédia. Mais une association « loi 1901 » très vertueuse n’est pas forcément exempte de préoccupations liées à un modèle économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite faire part de mon étonnement.

Certes, il faut protéger les droits des créateurs. Mais, en l’occurrence, nous parlons d’œuvres architecturales qui se trouvent sur la voie publique, voire, dans le cas de bâtiments, qui ont donné lieu à rémunération.

Ne présentons pas le dispositif envisagé comme une attaque contre la création. Il s’agit simplement de mobiliser les techniques modernes pour promouvoir l’image de notre pays. Cela concerne la création la plus récente, et pas seulement ce qui relève du domaine public !

Si nous voulons donner l’image d’une France moderne et dynamique, faisons en sorte de montrer et de diffuser le plus largement possible ce qui fait sa richesse intellectuelle. Les pays dont la création sera connue et reconnue dans le monde seront ceux qui s’en seront donné les moyens, à commencer par la liberté de panorama.

Il faut en avoir conscience : ce sont les décisions que nous prendrons aujourd'hui qui permettront demain à notre pays d’être, ou non, reconnu à l’étranger ! Il est important d’élargir nos possibilités.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Le sujet est à la fois important et délicat. Je pense que nous allons trouver le point d’équilibre. C’est notre responsabilité collective, à plus forte raison après le débat que nous avons eu sur le TDM.

Veillons à trouver un équilibre entre liberté de l’usager – je pense notamment à la sécurisation des internautes –, valorisation de notre patrimoine, dont nous connaissons aujourd'hui l’importance dans notre pays, et respect du droit d’auteur ! Évitons un jusqu’au-boutisme qui serait motivé par des considérations économiques ou touristiques !

Par ailleurs, l’argument qui vient d’être avancé n’est pas juste. La question du droit d’auteur, c’est celle du lien entre l’œuvre et le créateur.

Certes, il est possible que certains créateurs aient reçu de l’argent public pour installer leurs œuvres sur l’espace public. Mais attention ! Toutes ces œuvres ne sont pas payées sur fonds publics. Il y a aussi des œuvres privées. D’ailleurs, à en juger par les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, je pense que ce sera de plus en plus le cas.

Mais, encore une fois, le sujet, c’est le lien entre l’œuvre et le créateur.

Pour terminer, le droit d’auteur n’a jamais été un frein à la diffusion de la culture, à son rayonnement, à son image et surtout à celle de notre pays.

Gardons bien à l’esprit que, en poussant la démarche jusqu’au bout, la privation de revenus des créateurs, singulièrement des plus fragiles d’entre eux dans le secteur des arts visuels – je pense aux photographes –, pourra être un frein réel à la vitalité de la création artistique dans notre pays. Si cela devait se produire, nous ne parlerons même plus de la liberté de panorama ni du droit d’auteur !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Ce combat, au nom des valeurs et du respect de la création, est d’arrière-garde. La ligne Maginot a été franchie ! Les usages que le numérique entraîne sont là. Faute de savoir anticiper, nous ne pourrons que retarder leurs effets, mais pas les empêcher.

Il me semble, au contraire, que tous les créateurs, notamment les plus petits, ceux qui ne vivent pas complètement de leurs créations, auront tout à gagner à une plus large diffusion de leurs œuvres sur les réseaux sociaux.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Qu’il me soit permis de lever quelques préventions, car j’entends encore dire que ce texte, tel qu’il a été rédigé par l’Assemblée nationale, pourrait avoir pour effet d’inquiéter les particuliers et de freiner l’évolution de leurs usages. Je veux le dire clairement : quel que soit le cas de figure, les particuliers ne pourront pas être inquiétés.

Prenons un exemple. Si je poste une photo de la villa Savoye sur Facebook ou Twitter, je ne pourrai pas être condamné, car la liberté de panorama pour les particuliers sur œuvre dans l’espace public que je propose de rétablir ne permet pas de sanctionner un tel fait. Si l’un de mes amis retweete ou partage la photo, il ne sera pas non plus inquiété, car il s’agit d’une utilisation non commerciale.

En revanche, si un producteur ou une association s’empare de la photo pour créer un t-shirt ou une carte postale, l’utilisation sera commerciale et l’un ou l’autre devra acquitter des droits d’auteur. Ce n’est pas moi qui serai sanctionné, contrairement à ce que certains ont affirmé, mais c’est celui qui fait un usage commercial de la photo.

Toutefois, il est certain que j’aurais pu être attaqué avant que l’on inscrive dans la loi l’exception dont nous discutons et que je souhaite rétablir grâce à l’amendement n° 392 rectifié bis du groupe socialiste.

En tout état de cause, j’approuve la rectification proposée par Mme la rapporteur pour avis. Je comprends que le Gouvernement a besoin d’une expertise juridique plus poussée. Nous verrons tout cela en commission mixte paritaire. J’approuve également le sous-amendement défendu par Jean-Claude Requier. Il est plus clair et précis d’inscrire « personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial » plutôt que « particuliers à des fins non lucratives ». Le terme « particuliers », dans la loi, me semble être une abstraction, contrairement à l’expression « personnes physiques » qui est plus identifiable juridiquement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. J’appelle le Sénat à un instant de réflexion. Ce débat dans lequel amis et collègues s’opposent avec une parfaite bonne foi a été suscité par une démarche habile autour du concept de liberté de panorama. C’est très adroit ! Mais c’est trompeur.

Permettez-moi de revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure au sujet du droit d’auteur. Celui-ci comprend deux aspects. D’une part, le droit d’auteur, c’est la protection de l’œuvre et des droits de l’auteur sur son œuvre. D’autre part, le droit d’auteur, c’est aussi un principe d’équité dans l’économie de l’œuvre : celui qui a produit l’œuvre a droit à une rémunération pendant une durée fixée par la loi – il s’agit d’ailleurs d’une loi internationale.

L’enjeu, avec la liberté de panorama, ce n’est pas du tout de savoir s’il est possible ou non de reproduire une œuvre ; il s’agit de savoir si cette liberté est assortie d’une rémunération de l’auteur. L’expression « liberté de panorama » n’est-elle pas en réalité une acrobatie pour dissimuler le fait, sous couvert de défendre une liberté, que l’on ne rémunérera personne ?

Notre assemblée semble faire preuve d’ingénuité sur ce point, alors que nous sommes nombreux à être expérimentés, pour ne pas dire chenus !

Selon moi, l’emploi de cette expression est une tentative habile pour défendre le droit de diffuser une œuvre, avec des avantages économiques, sans rémunérer son auteur. C’est uniquement de ça qu’il s’agit ici !

Je complète mon propos en attirant l’attention de Mme Mélot sur un point : les éléments de la modification qu’elle propose sont tous valables, excepté l’expression « espace public », qui n’apporte rien. La voie publique, en droit, pour appuyer les remarques de Mme la secrétaire d’État, désigne tout espace aménagé pour la libre circulation du public, et non un espace routier ! La voie publique, ce sont par exemple les parcs et jardins, les voies piétonnes, ou encore la cour d’un monument historique. Nul besoin de substituer aux termes « voie publique » qui ont un sens juridique certain, l’expression « espace public » qui est une dénomination courante, mais n’a aucune valeur en droit.

    Débats du 21 janvier 2016 (AN)

Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 725, 719, 12, 13, 184, 500, 152, 384, 855, 614, 615, 250, 267 et 844, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 12 et 13 sont identiques, ainsi que les amendements nos 152, 384 et 855 et les amendements nos 250 et 267.

La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 725.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le président, je défendrai simultanément l’amendement no 719, qui a le même objet.

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je propose, à travers l’amendement no 725, de créer un article posant clairement, dans un langage compréhensible pour tout un chacun – et en français –, la question des commons : « Toute reproduction ou représentation d’objets publics ou de paysages couramment visibles de tous dans l’espace public est libre de droit pour un usage privé non lucratif. Toute utilisation à titre lucratif doit faire l’objet d’une convention formelle avec le titulaire des droits d’auteur. » Cette dernière phrase ne figure pas dans l’amendement no 719, que je préfère au no 725.

Si je n’utilise pas le terme commons, c’est qu’il me semble important de rédiger la loi en français. Le terme commons n’existe pas en français, et on ne peut pas le traduire par l’expression « les communs », qui n’a pas du tout le même sens. Qui plus est, la problématique des commons dans l’espace public date grosso modo du sommet de Johannesburg de 2002 – cela fait quand même quelques siècles ! Il est temps que la France s’en préoccupe et je suis ravie que cet hémicycle se saisisse de ce sujet important.

Nous débattons là d’un principe très français, à peine européen, selon lequel l’auteur d’une œuvre ayant un impact visuel dans l’espace public a des droits sur sa représentation, sauf en cas d’usage privé extrêmement restreint. Cette spécificité française protège certains artistes, certes, mais il s’agit bien souvent des plus riches d’entre eux, ceux qui ont accès à l’espace public.

Or l’espace public, avec ses rues, ses jardins, ses impasses, ses clos, appartient à tout le monde, et tout le monde devrait avoir le droit de photographier et de reproduire ce qui s’y trouve.

Il me semble cependant que lorsqu’une société privée se sert d’une représentation diffusée sur un espace couramment visible, même de nature privée, il doit y avoir négociation. Pourquoi pas, mais cette question ne doit pas être traitée uniquement au motif qu’il y existerait désormais un droit des commons dans le paysage international. Nous sommes français.

M. Philippe Gosselin. Très bien !

Un député du groupe Les Républicains. La précision n’est pas inutile !

M. le président. Dans la discussion commune, nous en arrivons aux amendements identiques nos 12 et 13.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 12.

Mme Isabelle Attard. La liberté de panorama est une exception au droit d’auteur qui autorise à reproduire et diffuser l’image d’une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public, notamment les œuvres d’architecture et de sculpture. C’est l’une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne relative au droit d’auteur. Celui qui choisit de construire un bâtiment dans l’espace public ne devrait pas pouvoir privatiser ce qui est à la vue de tous au nom du droit d’auteur.

De nombreux pays européens ont fait le choix d’appliquer cette exception. Je ne peux donc pas accepter l’argument selon lequel elle pénaliserait les architectes, sculpteurs, plasticiens : ces pays comptent aussi d’excellents représentants de ces professions qui exposent sur la voie publique des œuvres qui ont été financées par l’argent public et que nous sommes libres de photographier pour un usage familial. Je citerai à nouveau, comme je l’ai fait en commission, l’exemple de La Petite Sirène de Copenhague, devant laquelle je me suis fait photographier quand j’avais dix ans. Eh bien, une photographie prise devant cette statue a donné lieu récemment à un procès.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cela n’a rien à voir !

Mme Isabelle Attard. On pourrait également évoquer le viaduc de Millau. Nous sommes nombreux à trouver absurde le fait de ne pas pouvoir être photographié devant cet ouvrage d’art et je trouve absolument ridicule qu’on doive encore avoir ce genre de débat aujourd’hui. J’espère que notre discussion actuelle nous permettra d’avancer ensemble, comme elle nous a permis d’avancer en commission des affaires culturelles. Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce rappel au règlement, monsieur le président, ne vise pas à mettre en doute le résultat du vote qui vient d’avoir lieu, mais à appeler votre attention sur le fait que, s’il est vrai que certains collègues n’ont pas levé immédiatement la main, nous aurions aimé que vous mettiez de nouveau aux voix l’amendement no 180, car il peut arriver qu’on soit un peu « lent à la détente ».

M. le président. Ma chère collègue, le résultat de ce vote est objectivement sans ambiguïté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Certains députés assis derrière vous ont d’ailleurs voté en faveur de cet amendement, même si ce n’est pas le sujet.

Par ailleurs, le nouveau vote que vous avez appelé de vos vœux est tout à fait possible – par l’intermédiaire d’une seconde délibération, conformément à notre règlement.

En tout état de cause, il faut lever la main quand on veut voter ! (Sourires.)

M. Luc Belot, rapporteur. Encore faudrait-il en avoir le temps !

M. le président. Vous avez eu largement le temps de voter, et même plus que d’habitude puisque j’ai annoncé deux fois le vote pour éviter toute incertitude.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Hier soir nous avons assisté à des votes qui semblaient un peu « limite » alors qu’on était à une voix près. Pourtant nous n’avons à aucun moment mis en cause la présidence, pas plus que les services…

M. Luc Belot, rapporteur. Nous n’avons jamais remis en cause la présidence !

M. Philippe Gosselin. Un peu quand même.

M. le président. Mais je ne le prends pas comme tel.

M. Philippe Gosselin. Si la présidence ne le prend pas comme tel, tout va bien !

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis. Ne soyez pas plus royaliste que le roi !

M. Philippe Gosselin. Cette petite polémique est d’autant plus regrettable qu’il est toujours possible pour le Gouvernement de demander une seconde délibération à la fin de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. La présidence n’a pas été la seule à compter les voix, nous l’avons fait nous-même, et nous avons constaté que le vote était assez net pour ne pas être contestable – mais peut-être que certains camarades socialistes n’ont pas levé la main assez vite.

Reste que le Gouvernement a la possibilité de demander une seconde délibération. Que Mme la secrétaire d’État nous dise si elle entend le faire.

En cas de seconde délibération, le groupe écologiste demandera un scrutin public sur ce vote.

M. le président. Je ne considère pas du tout qu’il y ait eu une quelconque mise en cause, ni de la présidence, ni de moi-même, mais que les choses soient bien claires : il faut lever la main au moment du vote !

M. Luc Belot, rapporteur. Nous ne vous contredirons pas sur ce point !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Au-delà des polémiques, monsieur le président, et sans vouloir remettre en cause votre présidence, s’il demeure quelque incertitude que ce soit, je suggère que nous renvoyions effectivement cette question à une seconde délibération. Cela permettra d’apaiser les esprits.

M. le président. Une seconde délibération est toujours possible, sans qu’il soit d’ailleurs nécessaire qu’il y ait eu une incertitude sur le vote initial : il suffit que le Gouvernement la demande.

Il y aura donc une seconde délibération et j’ai bien noté la demande de scrutin public pour ce vote, qui interviendra, comme d’habitude, au terme de nos travaux. Après l’article 18 (suite)

M. le président. Nous reprenons donc la discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 13, qui est donc identique à l’amendement no 12.

M. Lionel Tardy. Avec plusieurs de mes collègues du groupe Les Républicains, nous défendons à nouveau cet amendement visant à créer une « exception de panorama » sans restriction. Il est temps de mettre un terme à un débat qui traîne depuis 2011 et de se caler sur la pratique et sur ce que permet la directive européenne de 2001.

La solution de compromis censée nous permettre d’avancer que vous allez nous proposer, monsieur le rapporteur, est en réalité une fausse solution. Elle revient dans les faits à exclure les usages commerciaux, même si vous évitez d’employer ce terme. Cela ne résoudra rien car il est très difficile de déterminer où commence l’usage commercial.

Prenons le cas d’un particulier qui diffuse ses photos de vacances sur son blog : il suffirait qu’il y accueille de la publicité pour être considéré comme faisant un usage commercial de ces photos. On mesure toute l’ambiguïté. Votre amendement exclurait également Wikipédia puisque sa licence permet la réutilisation à des fins commerciales. Idem des photos postées sur les réseaux sociaux.

La solution la plus simple serait la liberté de panorama pour tous. Généralement les artistes en cause, les architectes par exemple, ont d’autres sources de revenus, bien plus conséquents que ceux qu’ils pourraient tirer de ces reproductions photographiques.

Dans la plupart des pays d’Europe où elle a été instaurée, la liberté de panorama n’a pas entraîné la diminution drastique de la rémunération des artistes dont certains font planer la menace. Dans la plupart des cas en effet ce droit n’est pas exercé.

Si, comme nombre de mes collègues, je défends la liberté de panorama depuis 2011, c’est parce que je considère qu’à partir du moment où un monument est public, il appartient au public et qu’il est illogique de faire payer des droits sur une représentation qui ne génère pas de valeur ajoutée.

La liberté de panorama viendrait, sinon à renverser un ordre établi, du moins à le mettre en question. Je rappelle que la commission des affaires culturelles avait voté une liberté de panorama sans restriction. Il est donc temps que l’ensemble de l’Assemblée fasse de même.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour soutenir l’amendement no 184.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents, à savoir en faveur de la liberté de panorama. J’appelle le rapporteur et le Gouvernement à considérer que si tant d’amendements convergent dans la même direction, c’est bien qu’il y a un problème, voire une solution évidente à ce problème.

C’est un sujet autour duquel on tourne depuis de nombreuses années. J’ai bien senti en commission qu’on se rapprochait d’une issue – je vous vois sourire, madame la secrétaire d’État. On pourra peut-être ce matin atteindre le but, et d’une manière tellement unanime, compte tenu du nombre d’amendements venant de tous les bancs, qu’il n’y aura pour le coup aucune ambiguïté dans notre vote et nul besoin d’une seconde délibération.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 500.

Mme Isabelle Attard. Vous aurez compris, chers collègues, qu’il s’agit d’un amendement de repli qui limite cette liberté de panorama aux diffusions sous forme numérique ne permettant pas d’usage exclusif. Cela permettrait la diffusion en ligne tout en interdisant toute utilisation à des fins publicitaires et commerciales.

J’émets des réserves quant à la solution que vous nous proposerez, monsieur le rapporteur, en raison de la difficulté de définir la nature commerciale ou non de la diffusion d’une représentation photographique sur les réseaux sociaux ou sur le site de Wikipédia puisque ces plateformes accueillent de la publicité. C’est pourquoi la rédaction que vous allez nous proposer ne nous convient pas.

M. le président. Dans la discussion commune, nous en arrivons aux amendements identiques nos 152, 384 et 855.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 152.

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis. Je m’exprime effectivement, monsieur le président, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, laquelle a, en l’occurrence, adopté cet amendement contre mon avis. Il est tout à fait normal que je le défende, mais comme il sera si bien présenté par celles et ceux qui soutiennent des amendements identiques, je préfère, à ce stade, leur laisser la parole.

En revanche, monsieur le président, si vous me le permettez, je souhaite présenter d’ores et déjà l’amendement no 267, identique à l’amendement no 250 de M. Belot, qui prend en compte un certain nombre d’éléments proposés par plusieurs collègues afin d’avancer sur cette question de la liberté de panorama.

Cet amendement vise ainsi à donner droit à un certain nombre de remarques en introduisant dans le droit français une exception de panorama pour les particuliers reproduisant des œuvres architecturales et des sculptures qui se trouvent sur la voie publique à des fins non lucratives.

Mme Karine Berger. Excellent ! Très bien !

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis. Ils pourront ainsi poster des photographies sur les réseaux sociaux ou sur leur blog, à condition de ne pas en retirer de bénéfices, ce qui, me semble-t-il, devrait convenir à l’ensemble de nos collègues.

Contrairement à ce que vient de dire Mme Attard, ils pourront également partager ces reproductions sur les sites de nombreuses plateformes comme YouTube ou Wikipédia, le problème étant en fait l’utilisation commerciale des publications – rien n’empêchera un particulier de participer à cette œuvre formidable qu’est Wikipédia puisque la loi l’y autorisera.

En revanche, l’extension de cette exception aux activités lucratives ne me semble pas pertinente. À mon sens, dans un tel cas de figure, rien ne justifie en effet que les auteurs ne puissent pas être rémunérés à juste raison.

Il me semble donc que cet amendement no 267, qui a été déposé également par M. le rapporteur de la commission saisie au fond, répond à un certain nombre d’attentes de nos collègues et, plus largement, de nos concitoyens, tout en préservant la rémunération des créateurs visés par cette exception de panorama.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement identique no 384.

M. André Chassaigne. En complément de ce qui vient d’être dit, je souhaite insister sur deux ou trois points.

Je rappelle tout d’abord que la directive européenne 2001/29 relative au droit d’auteur a prévu une exception optionnelle en faveur de la liberté de panorama, c’est-à-dire la reproduction et la diffusion de l’image d’une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public.

Je rappelle également que certains pays ont choisi d’appliquer cette exception, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Enfin, je rappelle que, en ce qui nous concerne, nous sommes très favorables à la reconnaissance de cette liberté de panorama. À nos yeux, il n’est en effet pas acceptable que l’image de bâtiments payés sur des fonds publics – on pourrait citer la Bibliothèque François-Mitterrand, le Stade de France, l’éclairage de la Tour Eiffel – offre une rente commerciale à leur architecte ou concepteur.

Je précise que le caractère non lucratif du dispositif envisagé ne doit pas interdire la publication de livres ou de tirages photographiques dont le sujet principal serait constitué par les monuments en question sans le consentement de leurs auteurs.

Or, le consentement peut représenter un obstacle incontournable, notamment financier, et constituer ce faisant une entrave réelle à la liberté d’expression artistique et à la possibilité, pour le photographe, de tirer des revenus légitimes de ses œuvres.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement identique no 855.

Mme Jeanine Dubié. Je ne prolongerai pas le débat en défendant cet amendement qui concerne donc toujours la liberté de panorama.

Je tiens simplement à ajouter que la liberté de panorama aurait des retombées économiques pour le tourisme, mais aussi pour les artistes, dès lors que leurs œuvres seraient ainsi mieux diffusées. Ils pourraient peut-être obtenir ainsi de nouvelles commandes.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement no 614.

M. Christian Paul. Nombre d’excellents arguments ont déjà été formulés en faveur de la liberté de panorama. Chacun a donné les exemples qui lui sont chers – nous savons désormais qu’il y a entre Mme Attard et La Petite Sirène de Copenhague…

M. Sergio Coronado. Une histoire d’amour ! (Sourires.)

M. Christian Paul. …une longue histoire, mais je crois savoir que Mme la secrétaire d’État s’intéresse aussi beaucoup à la Tour Eiffel et à ses illuminations ! (Sourires.)

Leur point commun est qu’il s’agit d’œuvres généralement issues de commandes publiques ou de monuments qui ont été financés voilà très longtemps. Nous nous approchons ainsi d’un domaine commun auquel l’exception au droit d’auteur doit s’appliquer.

Ce débat, monsieur Tardy, date d’ailleurs, non pas de 2011 comme vous le disiez, mais de 1876, année où l’Allemagne a reconnu la liberté de panorama.

Plus sérieusement et sur le fond, j’émettrai moi aussi un argument d’opportunité : je pense que nous serons plus forts, en France, dans les années à venir, pour défendre la légitimité du droit d’auteur si nous sommes capables de définir des exceptions lorsqu’il existe un vrai motif d’intérêt général.

Mme Laure de La Raudière. Tout à fait !

M. Lionel Tardy. Assurément !

M. Christian Paul. En l’occurrence, c’est le cas.

Contrairement à ce que j’entends ici ou là, il n’y a pas d’immenses préjudices : les œuvres en question sont déjà financées – il est aussi possible de leur conférer, par ce biais, une notoriété supplémentaire – et les rémunérations découlant des reproductions sont particulièrement accessoires, même s’il convient évidemment de regarder de près ce dont il s’agit.

Enfin, si je défends volontiers la liberté de panorama au sens le plus large, l’amendement no 615 propose une éventuelle solution de repli.

Petit désaccord avec le rapporteur : ce n’est pas une bonne chose que de limiter la liberté de panorama à des usages strictement individuels. Il faut que les exceptions soient à des fins non lucratives, au minimum, c’est-à-dire concernent les activités associatives. Par exemple, une association de défense du patrimoine doit pouvoir user – sans en abuser – de la liberté de panorama.

Pour ma part, je le répète, je défends cette dernière dans sa dimension la plus large possible. J’ajoute que, si l’Assemblée ne suivait pas cette proposition, il serait sans doute possible de continuer à discuter.

Encore une fois, soyons animés par le souci de l’intérêt général. La révolution numérique déplace les lignes et nous devons être capables d’aborder ces questions courageusement.

M. le président. Puis-je en conclure, mon cher collègue, que vous avez également défendu l’amendement no 615 ?

M. Christian Paul. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Nous en arrivons donc, dans la discussion commune, aux amendements identiques nos 250 et 267.

Monsieur Belot, je pense que l’on peut considérer que l’amendement no 250 a été suffisamment présenté par M. Bréhier.

M. Luc Belot, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Je suppose qu’il en va de même pour l’amendement no 267, monsieur Bréhier.

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis. Tout à fait.

M. le président. Nous en arrivons donc au dernier amendement de la série.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement no 844.

Mme Karine Berger. Cet amendement est quasiment identique à celui que notre collègue M. Bréhier a défendu.

Il vise à définir des exceptions au droit d’auteur en ce qui concerne les panoramas. Au final, nous sommes tous d’accord, dans cet hémicycle, sur le principe – la seule question est de savoir quel doit être le champ des exceptions. Nous pouvons sans doute tomber d’accord, au minimum, sur le fait que les utilisations visées doivent être à but non lucratif.

Par cet amendement, que je défends avec Valérie Rabault, nous précisons que ces reproductions et représentations doivent être effectuées par des particuliers. Par exemple – nous en avons débattu en commission des lois –, lorsque Google insère une image sur sa page d’accueil, l’entreprise estime que ce n’est pas dans un but lucratif.

Je ne sais pas si M. Paul considère que la vie de « M. Google » est plus dure que celle des internautes, mais un vrai problème ne s’en pose pas moins : l’utilisation d’images par un certain nombre de plateformes pourrait être juridiquement réalisée à des fins non lucratives alors que, nous le savons parfaitement, la vitrine d’une boutique, au final, a un impact sur le chiffre d’affaires. Une telle limitation aux particuliers est donc nécessaire, sinon, cela reviendrait à dire qu’une vitrine n’a aucun impact commercial, n’apporte aucune valeur ajoutée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements, monsieur le rapporteur ?

M. Luc Belot, rapporteur. Favorable aux amendements identiques nos 250 et 267 et défavorable aux autres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. J’ai bien entendu l’ensemble des arguments exposés sur tous les bancs et je me rends compte à quel point le volontarisme des députés est grand à ce propos.

Je ne peux que rappeler la position du Gouvernement : la construction d’une stratégie en vue de la renégociation de la directive européenne sur le droit d’auteur. Celle-ci s’approche à grands pas et les enjeux pour la France seront immenses, bien au-delà de cette seule question de la liberté de panorama. Cela nous oblige à faire preuve d’une grande prudence à ce stade. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je renvoie à la position de la Commission européenne du 9 décembre dernier.

M. Philippe Gosselin. On n’arrête pas de renvoyer ! (Sourires.)

Mme Laure de La Raudière. Le Gouvernement « renvoie » quand cela l’arrange !

M. Lionel Tardy. On aurait mieux fait de voter notre renvoi en commission !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. La Commission s’est engagée à mettre cette question sur la table. Le sujet sera donc abordé à l’échelle de l’ensemble des nations européennes.

Ce n’est qu’une question de temps puisque, tout le monde en est d’accord, il faudra réduire l’incertitude juridique à ce sujet, ne serait-ce que pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments ou d’œuvres d’art situés en permanence dans les lieux publics.

À ce stade, le Gouvernement reste donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Luc Belot, rapporteur. Le débat sur la liberté de panorama a été important, tant en commission des affaires culturelles et en commission des lois que dans l’hémicycle, comme l’atteste le nombre d’amendements défendus mais également la qualité de nos échanges. Il s’agit d’un sujet sensible.

Quelles que soient les sensibilités des gouvernements précédents, tous ont été extrêmement clairs sur cette question et Mme la secrétaire d’État l’a également été en rappelant l’essentiel, y compris en se montrant défavorable à l’adoption des deux amendements qu’Emeric Bréhier et moi-même avons déposés, qui constituent pourtant une avancée.

Sur cette question comme sur d’autres – nous le verrons avec les commons –, le nombre d’insatisfaits sera conséquent, quelle que soit la position que nous prendrons.

Soit nous ne faisons rien et ceux qui sont favorables à la liberté de panorama de même que ceux qui y sont absolument opposés ne seront pas satisfaits, soit nous prenons l’une des deux positions assez radicales proposées par les uns et par les autres et il en sera de même pour leurs adversaires respectifs.

Mais nous ne sommes pas là pour satisfaire qui que ce soit. Nous sommes là pour écrire le droit, pour faire en sorte que nous adoptions une position qui sera finalement celle de la France sur la question de la liberté de panorama.

En complément de ce que notre collègue Emeric Bréhier a excellemment dit, je rappelle que les artistes, aujourd’hui, peuvent déjà autoriser l’utilisation gratuite de leurs œuvres et ils sont nombreux à le faire.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

Mme Laure de La Raudière. Heureusement !

M. Luc Belot, rapporteur. Ce n’est pas ce que nous voterons ou non ce matin qui changera cet état de fait, et c’est en effet heureux.

J’entends la conviction de Mme Le Dain s’agissant des commons et de la nécessité de défendre la francophonie, mais elle constatera comme moi que, dans le monde digital, certains éléments sont un peu plus intelligibles en anglais.

Cela a été dit : si l’un de nous sort de séance pour faire une photo devant un monument, il n’est pas censé pouvoir la publier. Les amendements nos 250 et 267 traitent justement de cette question. Ils résultent d’un travail important et d’une concertation entre le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et le rapporteur de la commission des lois.

Je souscris aux propos de M. Tardy : il s’agit d’une réelle avancée. Je ne doute pas que, selon certains, nous allons déjà beaucoup trop loin, quand d’autres diront que ce n’est pas assez. L’enjeu n’est pas de savoir où nous plaçons le curseur ; il est de savoir comment nous écrivons la loi.

Je continue donc à soutenir ces deux amendements et demande le retrait des autres.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je voudrais apporter une précision au sujet de Wikipédia, dont il a été question tout à l’heure. Contrairement à ce qu’a dit notre collègue Emeric Bréhier, la rédaction qu’il propose ne concerne pas Wikipédia, puisque ce site exige que tout ce qui s’y trouve puisse être réutilisé gratuitement, y compris dans un but commercial – cela est bien stipulé. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai des réserves quant à la rédaction proposée par les rapporteurs.

Je reconnais néanmoins l’énorme travail collectif mené dans cet hémicycle pour faire avancer le débat sur la liberté de panorama, et il me semble que les amendements des deux rapporteurs représentent déjà une avancée. Je sais bien que nous ne satisferons pas forcément tout le monde, mais nous agissons dans l’intérêt général.

Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que c’est la vente de cartes postales qui financera l’éclairage de nuit de la Tour Eiffel, mais il est important que ce débat ait lieu. Il importe également de montrer à l’Union européenne que nous avons, en France, une position unanime sur ce sujet, et j’apprécie le débat qui a lieu en ce moment. Je retire donc mon amendement.

(L’amendement no 12 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. À entendre la position de Mme la secrétaire d’État et à lire les propositions d’amendements, on voit bien que le débat reste assez binaire, à ce stade. Je pense pourtant qu’il doit exister une voie moyenne.

Nous sommes tous attachés au droit de la propriété artistique et architecturale, mais nous savons aussi que ce droit n’est pas absolu : il existe déjà quelques dérogations, au-delà même des textes européens. Nous pouvons donc nous mettre d’accord sur le principe d’une utilisation dans un but non lucratif. Mais doit-on se limiter aux particuliers ? C’est une vraie question. Nous pourrions ajouter un étage supplémentaire, en introduisant la notion d’utilisation à titre d’information, ce qui permettrait peut-être de couvrir Wikipédia sans difficulté.

Pour le reste, il me paraît totalement anormal que des réutilisations commerciales de magnets ou de cartes postales mettant en valeur des monuments puissent écarter les auteurs ou les ayants droit. Cela va vraiment à rebours de la tradition juridique française qui nous honore. Nous ne sommes pas obligés de tout mettre à l’encan : respectons le travail. À partir du moment où un produit génère d’autres ressources, il doit y avoir une juste et équitable rémunération. Ne pas reconnaître cela, c’est s’engager dans des débats pour le moins ubuesques.

Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, dans un esprit constructif et pour aller dans le sens de votre proposition d’un usage privé non lucratif, d’introduire la notion d’utilisation à titre d’information. Je pense que cela pourrait dégager un peu l’horizon, en attendant l’ouverture des négociations avec l’Europe.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Comme tout le monde peut le constater, cette question donne lieu, comme ce fut déjà le cas en commission des lois, à des débats passionnés.

Je tiens à dire que le groupe socialiste, républicain et citoyen soutiendra la proposition faite conjointement par le rapporteur pour avis et le rapporteur de la commission des lois. Entre les deux positions extrêmes, il fallait trouver une position médiane, et cela supposait que chacun fasse un pas vers l’autre. Or il me semble que la position qui a été trouvée est juste.

Il conviendra évidemment de l’affiner dans le cadre des négociations européennes. Pour l’heure, la rédaction proposée par les rapporteurs – « réalisées par des particuliers à des fins non lucratives » – constitue une réelle avancée, et le groupe socialiste, républicain et citoyen votera donc les amendements de MM. Luc Belot et Emeric Bréhier.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je déplore d’être dans un angle mort, car j’ai beaucoup de mal à obtenir la parole – et je ne dis pas cela contre vous, monsieur le président.

M. Patrice Martin-Lalande et Mme Laure de La Raudière. Il faut vous recentrer, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. J’aimerais faire trois remarques.

Premièrement, je tiens à dire que je préfère l’amendement no 267, qui parle « d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique », aux amendements qui évoquent des œuvres « réalisées pour être placées en permanence sur la voie publique », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. La deuxième formulation signifie qu’il s’agit d’une commande publique, ce que la première rédaction n’implique pas. C’est une petite nuance que je tenais à souligner.

S’agissant, deuxièmement, de l’expression « réalisées par des particuliers à des fins non lucratives », je pense à la situation d’artistes photographes qui ont souvent des difficultés à vivre, et qui, en éditant des livres de photographies, entrent dans le cadre d’une activité lucrative. Il s’agit néanmoins, dans ce cas, d’une forme de création artistique, et il ne faudrait pas pénaliser ces artistes, qui bénéficient souvent, d’ailleurs, du soutien des collectivités territoriales, dont elles contribuent à valoriser le patrimoine. Il serait dommage de ne pas faire profiter ces artistes de la dérogation que nous introduisons.

Troisièmement, nous aurons beaucoup de mal à distinguer l’utilisation à but non lucratif et l’utilisation lucrative, sur internet notamment, dès lors qu’une image sera publiée sur des plateformes dédiées à la photographie, comme Facebook ou Instagram. La distinction va s’avérer très complexe dans ce cas. Voilà pourquoi je préférais le premier amendement déposé par M. Bréhier, qui était d’ailleurs identique à deux amendements déposés, l’un par mon groupe, et l’autre par le groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes. Il me semblait plus large, et donc plus satisfaisant.

M. le président. Nous ne vous oublions pas, monsieur le président Chassaigne, rassurez-vous.

Je vous ai même fait passer avant le président Bloche, qui va conclure ce débat.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je vous remercie de me confier la haute mission de conclure nos débats, monsieur le président, même si je n’ai pas cette ambition.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, nous avions renvoyé à l’examen du présent projet de loi le débat sur la liberté de panorama. Je me réjouis donc, comme vous toutes et vous tous, que ce débat ait lieu de manière approfondie, mais aussi de manière maîtrisée, ce qui nous permet de légiférer sereinement, sans qu’il soit fait usage d’arguments réducteurs ou d’exemples poussés jusqu’à l’absurde.

Je rejoins ce que disait notre rapporteur au fond : nous légiférons non pas pour faire plaisir à qui que ce soit – et encore moins pour nous faire plaisir –, mais pour trouver un bon point d’équilibre, lequel, in fine, peut sembler insatisfaisant à certains. C’est cela, faire la loi, et telle est notre responsabilité.

En l’occurrence, nous devions concilier des intérêts contradictoires et trouver un bon point d’équilibre. Or il me semble que le travail réalisé conjointement par Luc Belot et Emeric Bréhier a abouti à une rédaction qui permet de protéger les titulaires de droits, en rappelant que leurs droits sont légitimes.

À ce propos, je me permettrai de vous corriger légèrement, cher André Chassaigne, car je vous ai entendu dire tout à l’heure qu’à partir du moment où une œuvre ou un ouvrage avait été financé sur fonds publics, il n’y avait pour ainsi dire plus de droits d’auteur. En réalité, l’architecte Dominique Perrault a toujours un droit sur la Bibliothèque nationale de France, même si elle a été financée sur fonds publics. Je rappelle que le droit d’auteur est un droit moral et patrimonial inaliénable.

Les amendements nos 250 et 267 contiennent des mots précis, qui encadrent cette nouvelle exception au droit d’auteur – car c’est bel et bien une nouvelle exception au droit d’auteur que nous sommes en train de créer, et ce n’est pas rien. Je songe d’abord à l’expression « en permanence », qui est essentielle, tout comme celle de « voie publique », qui évite toute vision extensive des lieux publics ou des espaces publics. La précision, enfin, qui consiste à dire que ces reproductions ou représentations sont « réalisées par des particuliers à des fins non lucratives » est essentielle, et je ne reviens pas sur les arguments qui ont été excellemment développés.

Je pense par conséquent que la représentation nationale peut, en responsabilité, voter cet amendement d’équilibre, tout en réaffirmant, madame la secrétaire d’État, son soutien au Gouvernement – qu’elle a déjà exprimé à la quasi-unanimité et à intervalles réguliers – dans le juste combat qu’il mène, au sein de l’Union européenne, pour réviser la directive sur le droit d’auteur.

Nous nous félicitons que le Gouvernement soutienne la position que notre parti défend avec vigueur et détermination, pas seulement pour protéger le droit d’auteur, mais aussi pour maintenir, face à des intérêts financiers colossaux, nos dispositifs de financement de la création et, au-delà, pour préserver la diversité culturelle, puisque c’est de cela qu’il s’agit. C’est ce à quoi, madame la secrétaire d’État, vous avez fait référence pour expliquer la position du Gouvernement, et c’était la seule raison qui pouvait justifier l’avis que vous avez donné.

Nous allons à la fois exprimer notre soutien à la politique du Gouvernement, qui se bat pour préserver nos dispositifs de financement de la création et la diversité culturelle – et nous ne sommes pas seuls dans ce combat, car nos amis allemands sont à nos côtés – et créer, de manière très encadrée, une nouvelle exception au droit d’auteur. Je pense que nous aurons ainsi fait œuvre utile et que l’intérêt général aura été bien servi.

M. Luc Belot, rapporteur. Très bien !

M. le président. Nous allons désormais procéder au vote sur ces différents amendements.

Madame Le Dain, vos amendements nos 725 et 729 sont-ils maintenus ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Puisque j’apprécie énormément l’effort fourni par le Gouvernement, qui vient d’être souligné par le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je retire mes amendements.

(Les amendements nos 725 et 719 sont retirés.)

M. le président. L’amendement no 12 de Mme Attard a été retiré.

Monsieur Tardy, l’amendement no 13 est-il maintenu ?

M. Lionel Tardy. Oui, je le maintiens.

(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)

M. le président. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, maintenez-vous l’amendement no 184 ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je le retire.

(L’amendement no 184 est retiré.)

M. le président. Madame Attard, maintenez-vous l’amendement no 500 ?

Mme Isabelle Attard. Oui, monsieur le président.

(L’amendement no 500 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons au vote sur les amendements identiques nos 152, 384 et 855.

J’imagine, monsieur le rapporteur pour avis, que l’amendement no 152 est retiré ?

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis. En effet, monsieur le président.

(L’amendement no 152 est retiré.)

M. le président. Monsieur Chassaigne, maintenez-vous l’amendement no 384 ?

M. André Chassaigne. Il est maintenu.

M. le président. Madame Dubié, qu’en est-il de l’amendement no 855 ?

Mme Jeanine Dubié. Je le maintiens également.

(Les amendements identiques nos 384 et 855 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Paul, les amendements nos 614 et 615 sont-ils maintenus ?

M. Christian Paul. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 614 et 615, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 250 et 267 sont adoptés et l’amendement no 844 tombe.)

M. le président. Nous en avons fini avec cette affaire du panorama. (Sourires.)

    Amendement n°250 de Luc Belot

Après le 9° de l’article L. 122‑5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

Exposé sommaire

Cet amendement résulte d’une volonté de consensus exprimée lors de la réunion de commission des Lois pour introduire une exception au droit d’auteur en faveur de la « liberté de panorama ».

Cet amendement autorise désormais les particuliers à diffuser des images des bâtiments ou oeuvres d’art qui ne sont pas encore tombées dans le domaine public et que l’on peut observer sur la voie publique dès lors qu’ils ne le font pas à des fins lucratives.

Cette liberté autorise, par exemple, les familles à publier leurs photos de vacances sur internet (Facebook, Instagram, Wikipédia...) même lorsque se trouve au centre un bâtiment ou une sculpture récents.

Cet amendement préserve en revanche les artistes d’un risque de perte de revenus liée à une exploitation commerciale des reproductions ou représentations de leur oeuvre par des particuliers comme par tout autre personne (entreprises, associations....).

 
Schéma

Revue de presse :

  • Frédéric Martel, 22 mai 2016, Liberté de panorama, émission Soft Power
  • Jean-Noël Escudié, 3 mai 2016, La propriété intellectuelle l’emporte sur l’exception de panorama, Localtis
  • Louise Cuneo, 2 mai 2016, Liberté de panorama : publier un selfie devant la pyramide du Louvre, est-ce du vol ?, Le Point
  • Guillaume Champeau, 28 avril 2016, Photographies d’œuvres : la liberté de panorama fortement bridée au Sénat, Numerama
  • Xavier Berne, 28 avril 2016, Le Sénat maintient la liberté de panorama sous les barreaux, Next Inpact
  • Guillaume Novello et Nicolas Beunaiche, 28 avril 2016, Liberté de panorama: Le Sénat choisit l’option favorable aux ayants droit, 20 minutes
  • Non seulement c’est ridicule, mais en plus c’est hors-la-loi, 27 avril 2016, La LIST STYLIST
  • Nicolas Beunaiche, 27 avril 2016, Et si on pouvait enfin publier une photo de la Tour Eiffel illuminée sans risquer la prison?, 20 minutes
  • 26 avril 2016, Pour une liberté de panorama à 360°, Socialter
  • Cécile Mazin, 25 avril 2016, Front commun des sociétés d’auteurs contre l’exception de panorama, ActuaLitté
  • Elisabeth Lefeuvre, 24 avril 2016, Photographier la pyramide du Louvre est illégal ? Un amendement peut tout changer, L’OBS Le Plus
  • Marc Rees, 21 avril 2016, Deux sénateurs militent pour une vraie liberté de panorama, Next Inpact
  • Elia Vaissière, 19 avril 2016, Liberté de panorama : un outil de valorisation culturelle, La Gazette des communes
  • Emmanuel Pierrat, 18 avril 2016, Droit d’auteur, un chantier toujours renouvelé, l’UNESCO
  • Elia Vaissière, 15 avril 2016, Liberté de panorama : la difficile équation entre culture libre et droit d’auteur, La Gazette des communes
  • Xavier Berne, 8 avril 2016, La liberté de panorama évolue au Sénat, mais restera inapplicable selon Wikimédia, Next Inpact
  • Julien Lausson, 6 avril 2016, Wikipédia condamné en Suède pour des photos d’œuvres d’art, Numerama
  • Thierry Noisette, 5 avril 2016, Liberté de panorama : Wikimedia Suède condamnée en justice, L’OBS avec Rue89
  • 5 avril 2016, « Poster un selfie devant la tour Eiffel illuminée est illégal », L’Express
  • Clément Solym, 31 mars 2016, La liberté de panorama, un impératif pour l’encyclopédie Wikipedia, ActuaLitté
  • Jérémy Heleine, 25 mars 2016, Le Sénat a tué la liberté de panorama, FZN
  • Jérémy Heleine, 22 mars 2016, Qu’est-ce que la liberté de panorama, et pourquoi elle est nécessaire, FZN
  • Adrian Branco, 20 mars 2016, Pourquoi Wikimedia défend votre droit à partager vos photos, BFM Tv
  • Marc Rees, 18 mars 2016, Wikimédia France en campagne pour rendre effective la liberté de panorama, Next Inpact
  • 18 mars 2016, Wikimédia : site et pétition pour la liberté de panorama, arretsurimages.net
  • Even Vallerie, 2 février 2016, liberté de panorama progresse mais Wikipedia reste sur sa faim, Ouest France
  • Caroline Bertolino, 22 janvier 2016, « Liberté de panorama » : droit adopté sous conditions, Actuphoto
  • Marc Rees, 22 janvier 2016, À peine reconnue, la liberté de panorama déjà sous les barreaux, Next Inpact
  • Andréa Fradin, 21 janvier 2016, Deuxième bug : la liberté de panorama passe, mais boîteuse, L’OBS avec Rue89
  • Thierry Noisette, 13 janvier 2016, La médiathèque de Wikipédia dépasse 30 millions de fichiers libres, ZDNet
  • Marc Rees, 8 janvier 2016, Quand le ministère de la Culture défendait le domaine public et la liberté de panorama, Next Inpact

2015. Consultation sur le projet de loi République numérique edit

    Amendement

L'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

10°) Les reproductions et représentation des oeuvres architecturales et des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.

Exposé sommaire

La liberté de panorama est la liberté de diffuser des images de bâtiments et d’œuvres d'art qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, et que l'on peut observer depuis des lieux publics. Cette liberté autorise, par exemple, les familles à publier des photos de vacances sur Internet même lorsque se trouve au centre de l'image un bâtiment ou une sculpture récents. Elle permet également à chacun de publier ses propres photos sur des sites comme l’encyclopédie Wikipédia afin d'illustrer des articles de celle-ci.

La plupart des personnes tiennent pour acquis qu'elles sont libres de partager de telles photographies dès lors qu'elles les ont prises elles-mêmes. Dans plusieurs États membres de l’Union européenne, la diffusion de ces images requiert une autorisation explicite du détenteur des droits d'auteur de l’œuvre représentée. C’est le cas de la France à l’heure actuelle.

Le fait que cette exception n’ait pas été introduite en droit français pose de nombreux problèmes car cela empêche le rayonnement du patrimoine français auprès de 3 milliards d’internautes. Il nous semble regrettable que la France, à dessein, ne facilite pas le rayonnement de sa propre culture.

Sur Wikipédia, il est par exemple impossible d’illustrer les articles consacrés aux architectes contemporains avec des images de leurs réalisations situées en France. Aucune photo de la Défense, près de Paris, n’est sur la Wikipédia francophone, et ce n’est qu’en 2013, au moment où l’œuvre de Hector Guimard est entrée dans le domaine public, que des images de bouches de métro parisiennes ont pu être publiées. Cette situation ne profite à personne, et certainement pas aux architectes, dont l’œuvre ne peut pas être mise en valeur.

Ainsi il est souhaitable que toute reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause devienne légale pour les œuvres architecturales, sculptures et œuvres d’art permanentes placées dans des lieux accessibles par le public. Elles constituent donc une grande partie patrimoine culturel français, à plus forte raison dans le cas de bâtiments payés sur des fonds publics, qu’il s’agisse de la bibliothèque François-Mitterrand ou du Stade de France.


Revue de presse :

  • Xavier Berne, 19 octobre 2015, Loi Numérique : les (nombreuses) idées des internautes, Next Inpact

2015. Loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) edit

    Débats (Sénat)

Article additionnel après l'article 11 A

Mme la présidente. L'amendement n° 437 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 11 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Dans l’objectif de rendre l’art accessible à tous, cet amendement permet de diffuser et de reproduire en faveur du plus grand nombre, notamment sur internet, les œuvres du patrimoine culturel situées de manière permanente dans l’espace public, et ce, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte et de l’artiste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cet amendement prévoit une acceptation large de l’exception de panorama qui bénéficierait aux artistes.

Introduit par l’Assemblée nationale, l’article 18 ter du projet de loi pour une République numérique, que le Sénat sera prochainement amené à examiner, traite déjà du sujet, et ce de façon plus encadrée. Il limite en effet la liberté de panorama aux reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.

Cette définition me semble préférable. Aussi, il conviendra d’engager ce débat, qui a été fort animé à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de ce texte.

C’est pourquoi je vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement vise effectivement à créer une exception au droit d’auteur pour les reproductions d’œuvres situées dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments publics et pour tous les usages.

Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, un amendement tendant à consacrer cette exception dite « de panorama ».

J’attire également votre attention, madame la sénatrice, sur le fait que les contours de cette exception ont été définis de manière très stricte par les députés, afin de ne pas causer de préjudice injustifié aux auteurs. C’est pour cette raison qu’il a été prévu de limiter l’exception aux seules œuvres présentes dans l’espace public et aux exploitations réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.

Or l’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, vise à procéder à une extension très importante de cette exception : des professionnels pourraient exploiter à des fins commerciales les copies d’œuvres situées non seulement sur la voie publique, mais aussi dans les bâtiments publics. Les usages commerciaux qui garantissent la rémunération de ces auteurs se trouveraient donc directement concurrencés par les usages commerciaux réalisés par des tiers.

Cette extension serait susceptible de porter gravement préjudice aux intérêts, en particulier, des architectes et des auteurs des arts graphiques et plastiques, dont nous avons longuement discuté hier soir, ce qui ne serait pas souhaitable à l’heure actuelle.

Par ailleurs, je vous le rappelle, une discussion est en cours à l’échelon européen concernant des mesures de modernisation du droit d’auteur dans l’univers numérique, et, vous le savez, j’y apporte des propositions extrêmement concrètes et innovantes. La France est vraiment force de proposition dans le cadre de ce débat.

À cet égard, dans sa communication du 9 décembre dernier, la Commission européenne s’est engagée à évaluer l’opportunité de réduire l’incertitude juridique pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans l’espace public.

Cette discussion doit également porter sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique de manière plus générale, me semble-t-il, et qui s’opèrent au bénéfice de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus, et au détriment de ce que l’on appelle l’amont de la chaîne, c’est-à-dire essentiellement les artistes qui, eux, prennent le risque de la création.

La Commission européenne adopte une démarche prudente, puisqu’elle s’est engagée à évaluer dans quelle mesure l’utilisation en ligne des œuvres de l’esprit profite équitablement à toutes les parties concernées. C’est dans ce cadre communautaire que je vous invite donc à sécuriser ce régime juridique.

Madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, dont l’adoption, je le redis, renforcerait, au lieu de le corriger, le bouleversement du partage de la valeur au détriment des auteurs des arts visuels.

Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est-il maintenu, madame Laborde ?

Mme Françoise Laborde. Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur de ces informations. Certes, j’aurais pu retirer cet amendement avant, car nous avons déjà longuement débattu de ce sujet, mais cela m’a permis d’obtenir des précisions.

Certains pays européens n’ayant pas la même législation, il est important d’asseoir l’exception culturelle française, tout en s’assurant qu’elle puisse être compatible avec les règles européennes.

Sous le bénéfice de ces observations, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est retiré.

    Amendement n°341 de sénateurs

Après l’article 11 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »

Exposé sommaire

Le droit d’auteur français protège les « œuvres de l’esprit » (Code de la Propriété intellectuelle L. 112-2), d’une manière générale, auxquelles appartiennent notamment les œuvres architecturales et les sculptures, dès lors qu’elles sont « originales ». La loi française prévoit des exceptions en fonction de l’usage fait des œuvres (citation, parodie, usage pédagogique) mais pas de leur localisation physique. Dans certains pays tels que la Suisse, l’Allemagne ou encore le Canada et l’Espagne, leurs législations respectives contiennent cependant une exception supplémentaire au droit d’auteur appelée « liberté de panorama ». Cette exception donne le droit de diffuser ses propres photos de bâtiments dont l’architecte est décédé depuis moins de 70 ans ou de sculptures et des œuvres se trouvant à demeure sur une voie ou une place accessible au public, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte ou de l’artiste.

Cette exception n’existe pas en droit français qui interdit la publication de photos si une œuvre architecturale ou artistique protégée par le droit d’auteur y apparaît. Cette restriction empêche également la diffusion d’un patrimoine culturel au plus grand nombre, notamment sur internet, puisque les sites internet publiant ces reproductions encourent un risque de poursuites en contrefaçon. Cet amendement vise donc à introduire cette exception au droit d’auteur en droit français afin de rendre la Culture plus accessible.

  • 16 septembre 2015. Compte-rendu — Commission des affaires culturelles : avis défavorable du rapporteur Patrick Bloche et de la ministre de la culture et de la communication Fleur Pellerin. Amendements rejetés (AN)
    Débats en commission des affaires culturelles (AN)

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC214 de Mme Isabelle Attard et AC235 de Mme Gilda Hobert.

Mme Isabelle Attard. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas mettre vos photos de vacances sur les réseaux sociaux, par exemple Facebook, si certains monuments y apparaissent, par exemple le viaduc de Millau et la pyramide du Louvre, constructions dont les architectes sont toujours vivants ou qui sont toujours soumises au droit d’auteur. À l’étranger, songeons à la petite sirène de Copenhague. L’ossuaire de Douaumont est également concerné. En l’absence de législation adéquate, nous demandons une clarification qui permette de prendre des photos d’un panorama. Cette exception au droit d’auteur est d’ailleurs appelée, dans d’autres pays, « liberté de panorama ». Le public ne comprend absolument pas les restrictions actuellement applicables en France.

Je rappelle qu’en 2011 la Cour de cassation a introduit la notion d’inclusion fortuite ou accessoire. Elle devait se prononcer sur le documentaire Être et avoir, car l’auteur d’un manuel scolaire a porté plainte contre celui du documentaire : son livre y apparaissait dix minutes.

Comment déterminer si le sujet d’une photographie, par exemple, est une personne ou un monument ? Une personne qui mettrait des photographies de vacances sur Facebook pourrait ainsi être condamnée à payer des droits.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC235 a le même objet. Il s’agit de permettre de photographier, de dessiner, de reproduire, comme c’est permis dans d’autres pays, une œuvre architecturale apparaissant sur l’espace public.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements.

Mme la ministre. J’y suis également défavorable. Les dispositions proposées tendraient à permettre une utilisation commerciale de reproductions d’œuvres visibles dans l’espace public. Ce serait de nature à constituer un préjudice pour les auteurs, les architectes, les auteurs d’arts graphiques et plastiques.

Une discussion s’engage au niveau européen, qui porte sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique, des bouleversements au profit de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus au détriment de l’amont de la chaîne, représenté par ceux qui prennent le risque de la création, mais ces amendements me semblent de nature à aggraver le déséquilibre actuel, dont les auteurs sont les victimes.

La Commission rejette successivement les amendements.

    Amendement N°AC214 des députées Isabelle Attard et Barbara Pompili

L’article L. 122‑4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois est autorisée la reproduction, notamment par la peinture, le dessin, la photographie ou le cinéma, des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. ».

Exposé sommaire

Le droit d’auteur français protège les « œuvres de l’esprit », d’une manière générale, auxquelles appartiennent les œuvres architecturales et les sculptures (CPI L112‑2. 7), dès lors qu’elles sont « originales ». La loi française prévoit des exceptions en fonction de l’usage fait des œuvres (citation, parodie, usage pédagogique) mais pas de leur localisation physique.

Certains pays possèdent dans leur législation une exception supplémentaire au droit d’auteur appelée « liberté de panorama », qui donne le droit de diffuser ses propres photos de bâtiments ou de sculptures situées dans les jardins, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte ou de l’artiste.

L’absence de cet exception en droit français, alors qu’elle existe chez nos voisins européens interdit la publication de photos si une œuvre architecturale ou artistique protégée par le droit d’auteur y apparaît. Outre l’incompréhension que cela suscite auprès du public, cela gêne la diffusion même de ces œuvres sur internet, les sites qui publieraient ces photos encourant le risque de poursuites en contrefaçon. La mise en place de cette exception participera de l’amélioration de la diffusion du patrimoine culturel français souhaité par la loi visée par cet amendement.

A toutes fins utiles, rappelons que ce droit de panorama existe en Allemagne, en Espagne, en Irlande, en Israël et au Pérou. La principale conséquence est que les architectes de ces pays bénéficient de l’exposition considérable rendue possible par Internet, tandis que nos plus belles réalisations architecturales demeurent absentes et invisibles, parfois pendant plus d’un siècle après leur édification, selon le temps écoulé avant le décès de l’architecte. De plus, ce droit à la liberté de panorama a été rappelé au niveau européen lors du vote du rapport Reda en juillet dernier.

Il est donc proposé d’introduire cette exception au droit d’auteur en droit français.

    Amendement N°AC235 des députés Gilda Hobert, Jean-Noël Carpentier et Ary Chalus

L’article L. 122‑4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des œuvres de toute nature situées de manière permanente dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. ».

Exposé sommaire

Le droit d’auteur français protège les « œuvres de l’esprit » (Code de la Propriété intellectuelle L. 112‑2), d’une manière générale, auxquelles appartiennent notamment les œuvres architecturales et les sculptures, dès lors qu’elles sont « originales ». La loi française prévoit des exceptions en fonction de l’usage fait des œuvres (citation, parodie, usage pédagogique) mais pas de leur localisation physique.

Dans certains pays tels que la Suisse, l’Allemagne ou encore le Canada et l’Espagne, leurs législations respectives contiennent cependant une exception supplémentaire au droit d’auteur appelée « liberté de panorama ».

Cette exception donne le droit de diffuser ses propres photos de bâtiments dont l’architecte est décédé depuis moins de 70 ans ou de sculptures et des œuvres se trouvant à demeure sur une voie ou une place accessible au public, malgré l’existence de droits de propriété intellectuelle de l’architecte ou de l’artiste.

Cette exception n’existe pas en droit français qui interdit la publication de photos si une œuvre architecturale ou artistique protégée par le droit d’auteur y apparaît.

Cette restriction empêche également la diffusion d’un patrimoine culturel au plus grand nombre, notamment sur internet, puisque les sites internet publiant ces reproductions encourent un risque de poursuites en contrefaçon.

Cet amendement vise donc à introduire cette exception au droit d’auteur en droit français afin de rendre la Culture plus accessible. »

2015. Directive droit d'auteur edit

    Amendement 421 adopté par la commission JURI

Considers that the commercial use of photographs, video footage or other images of works which are permanently located in physical public places should always be subject to prior authorisation from the authors or any proxy acting for them;

    Proposition du rapport Reda

Calls on the EU legislator to ensure that the use of photographs, video footage or other images of works which are permanently located in public places is permitted;

 

La députée européenne du parti pirate Julia Reda a réalisé un rapport pour moderniser le droit d'auteur. Elle propose notamment d'étendre la liberté de panorama à toute l'Europe. Au lieu de cela, le parlement européen a failli restreindre encore plus cette exception au droit d'auteur. Wikimédia France s'est mobilisé afin que soit rejeté l'amendement 421.

Revue de presse :

2011. Loi relative à la rémunération pour copie privée edit

    Amendement n°22 de Lionel Tardy et Jean Dionis du Séjour

L'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois est autorisée la reproduction par la peinture, le dessin, la photographie ou le cinéma des oeuvres de toute nature situées de manière permanente dans l'espace public, y compris à l'intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »

Exposé sommaire

Le droit d'auteur français protège les « oeuvres de l'esprit », d'une manière générale, auxquelles appartiennent les oeuvres architecturales et les sculptures (CPI L112-2.7), dès lors qu'elles sont « originales ». La loi française prévoit des exceptions en fonction de l'usage fait des oeuvres (citation, parodie, usage pédagogique) mais pas de leur localisation physique.

Certains pays possèdent dans leur législation une exception supplémentaire au droit d'auteur appelée « liberté de panorama », qui donne le droit de diffuser ses propres photos de bâtiments dont l'architecte est mort depuis moins de 70 ans ou de sculptures situées dans les jardins, malgré l'existence de droits de propriété intellectuelle de l'architecte ou de l'artiste.

L'absence de cet exception en droit français, alors qu'elle existe chez nos voisins européens interdit la publication de photos si une oeuvre architecturale ou artistique protégée par le droit d'auteur y apparaît. Outre l'incompréhension que cela suscite auprès du public, cela gêne la diffusion même de ces oeuvres sur internet, les sites qui publieraient ces photos encourant le risque de poursuites en contrefaçon.

Il est donc proposé d'introduire cette exception au droit d'auteur en droit français.

    Débats

Revue de presse :

2005. Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) edit

La liberté de panorama étant une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne sur le droit d'auteur de 2001, elle aurait pu être intégrée au droit français lors de la transposition de cette dernière par la loi DADVSI, mais l'amendement correspondant a été rejeté, sur l'avis défavorable du rapporteur Christian Vanneste.

    Exception en faveur de la presse (Sénat)

Le dispositif relatif à l'exception en faveur de la presse lui paraît également devoir être refondu.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale emprunte certains de leurs éléments à deux exceptions distinctes de la directive, et y ajoute des considérations tirées de la jurisprudence française. La fusion de ces trois sources hétérogènes aboutit à un dispositif qui manque à la fois de clarté et de cohérence.

La première source à laquelle elle emprunte figure à l'article 3 c) de la directive précitée. Celle-ci autorise les Etats à prévoir une exception aux droits protégés : « lorsqu'il s'agit de la reproduction par la presse, de la communication au public ou de la mise à disposition d'articles publiés sur des thèmes d'actualité à caractère économique, politique, religieux ou d'oeuvres radiodiffusées ou d'autres objets protégés présentant le même caractère, dans les cas où cette utilisation n'est pas expressément réservée et pour autant que la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée, ou lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'évènements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur ».

Cette disposition de la directive appelle plusieurs remarques :

  • elle ne vise pas spécifiquement les oeuvres d'art graphiques, plastiques ou architecturales ; elle porte plutôt, en priorité, sur des articles consacrés à des thèmes d'actualité, sur des oeuvres radiodiffusées, ou d'une façon générale, sur d'autres objets protégés présentant tous pour caractéristique de porter sur des thèmes d'actualité à caractère économique, politique ou religieux ;
  • ce n'est que dans la seconde partie de son dispositif qu'elle autorise également « l'utilisation d'oeuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'évènements d'actualité » sans donner plus de précisions sur la nature de ces oeuvres. Elle assortit cette autorisation de deux conditions restrictives que reprend littéralement le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : cette utilisation n'est licite que « dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi » et « sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur ».

La seconde exception à laquelle puise le dispositif adopté par l'Assemblée nationale figure à l'article 5.3 h) de la directive précitée. Celle-ci autorise les Etats à prévoir une exception aux droits protégés : « lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics. »

Cette seconde exception présente une visée très différente :

  • elle n'est, tout d'abord, absolument pas subordonnée à un but d'information ;
  • elle n'impose pas la mention de l'auteur ou de la source ;
  • la notion de réalisations architecturales et de sculptures paraît plus étroite que celle d'oeuvres « graphiques, plastiques ou architecturales ».

La troisième source à laquelle puise le dispositif adopté par l'Assemblée nationale provient de la jurisprudence des tribunaux français.

Le juge français considère d'une façon générale que l'exception de citation, qui autorise la reproduction de courts extraits d'une oeuvre, à la condition que l'auteur, et la source en soient clairement indiqués, ne s'applique qu'aux oeuvres littéraires ; les hypothèses où il a paru étendre cette exception aux oeuvres d'art sont trop exceptionnelles, marginales et sans lendemain pour fonder une jurisprudence.

Le juge se montre en revanche plus ouvert à l'égard des photographies d'oeuvres d'art situées sur la voie publique. Il admet une certaine forme de liberté de reproduction lorsque le monument en cause se trouve dans le décor d'une manifestation publique92(*) ou lorsque l'oeuvre reproduite n'apparaît que de manière accessoire par rapport au sujet principal traité93(*) ; ou lorsque l'oeuvre s'incorpore pour l'essentiel au sol de l'espace public, à propos de la place des Terreaux, à Lyon94(*).

Ces décisions ne se rattachent cependant pas à l'exception de citation, et n'exigent pas la mention du nom de l'auteur. Dès lors que la représentation de l'oeuvre en question est accessoire, il serait en effet peut-être paradoxal de la tirer de l'arrière plan où elle est reléguée par la mention explicite de son auteur, qui ramènerait l'attention sur elle.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne parvient pas à fondre en un tout cohérent les éléments disparates empruntés à ces sources différentes.

Son ambiguïté provient en particulier du fait que si l'exception « information » reprise dans la première partie du dispositif requiert les mentions de l'auteur et de la source, l'exception « monuments publics » et la théorie jurisprudentielle de « l'accessoire » semblent a priori l'exclure.

De deux choses l'une en effet :

  • ou bien l'exception couvre la représentation des oeuvres qui, étant situées à l'arrière-plan ne sont pas le sujet du reportage ; la représentation de l'oeuvre relève bien dans ce cas de « l'accessoire » et il est paradoxal de la tirer de l'arrière champ où elle se fond en exigeant la mention explicite de son auteur ;
  • ou bien l'exception couvre la représentation des oeuvres spécifiées en tant que telles par la mention de leur auteur, et il semble que l'on sorte alors du cadre de la représentation « accessoire », sauf à en distendre inconsidérément les propositions.

Ces considérations conduisent votre commission à vous proposer, par amendement, une nouvelle rédaction.

Celle-ci s'attache tout d'abord à réparer une omission qui aurait pu être lourde de conséquences.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui souhaitait faire bénéficier de cette exception non seulement la presse écrite, mais aussi la presse audiovisuelle ou en ligne, n'a ciblé cette exception que sur la reproduction des oeuvres. Or, la diffusion télévisuelle ne relève pas du droit de reproduction, mais du droit de représentation comme le confirme explicitement l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle. Si l'on ne veut donc pas exclure l'information télévisée du bénéfice de cette exception, il convient alors de viser la reproduction et la représentation d'une oeuvre.

Votre commission vous propose de subordonner le bénéfice de l'exception à un « but d'information immédiate », formule qui a le mérite d'avoir déjà été dégagée par la jurisprudence française (notamment TGI Paris, 13 mars 1986) et qui lui paraît moins redondante et tout aussi explicite que l'expression « dans un but d'information... lorsqu'il s'agit de rendre compte d'évènements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi » directement issu du glossaire de la directive.

Le dispositif adopté par votre commission privilégie la notion de « représentation accessoire ou fugitive », qui lui paraît le mieux à même de répondre aux besoins concrets de la presse, pour compenser les effets préjudiciables de l'absence d'exception de citation, pour les oeuvres d'art graphiques. Cette consécration législative de deux notions jurisprudentielles françaises lui paraît en effet mieux garantir la sécurité juridique, sans entraîner des remises en cause susceptibles de provoquer un préjudice injustifié aux intérêts des auteurs d'oeuvres graphiques, plastiques ou architecturales, dont la légitimité est incontestable, et qui d'ailleurs, appartiennent aussi parfois au monde de la presse, comme par exemple les reporters photographes.

Votre commission s'est délibérément abstenue de reprendre l'exigence de la mention de l'auteur et de la source, estimant que son caractère systématique pourrait être contraire à l'objectif poursuivi, et qu'il devait revenir au juge de décider, en fonction des circonstances de l'espèce, comme il le fait déjà aujourd'hui, si cette mention est, ou non, nécessaire en fonction du lien avec le sujet traité.

    Débats

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 157.

La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour le soutenir.

M. Emmanuel Hamelin. Cet amendement, sur le même principe que l'amendement n° 158, concerne « les reproductions d'œuvres situées de façon permanente dans les rues ou sur les places publiques ou visibles du domaine public non destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

Cette question présente deux aspects. Le premier, c'est qu'il s'agit encore d'une exception. Le second, c'est que nous nous trouvons en présence de deux intérêts contradictoires - d'un côté, celui de la presse, de l'autre, celui des artistes plasticiens - entre lesquels il convient évidemment de trouver un équilibre. Or cet amendement ne le réalise pas, alors que les artistes plasticiens - chacun le sait - constituent une profession fragile. C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous ne votions pas cet amendement, mais que nous adoptions l'amendement n° 11 de M. Joyandet, qui a été, sur ma proposition, sous-amendé par la commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

L'équilibre des intérêts ne peut conduire à donner un avantage économique à certains acteurs économiques, eux-mêmes titulaires de droits, au préjudice des créateurs. Cet équilibre est particulièrement important à maintenir dans le nouveau contexte des évolutions techniques - numérisation et diffusion en ligne. Le but d'information - raison d'être de la presse - ne peut justifier en tant que tel une exception qui porte atteinte à la préservation des intérêts économiques et moraux des auteurs. La jurisprudence demeure souvent le moyen le plus adéquat de tracer les équilibres entre les droits et devoirs car elle apprécie les situations concrètes et permet aux parties de défendre leurs prétentions - il ne faut donc pas regretter que la jurisprudence évolue.

Le droit en vigueur permet d'ores et déjà aux entreprises de presse et de communication d'assurer leurs missions en utilisant des œuvres d'art graphique plastiques ou architecturales sans ressentir de contraintes excessives et les organismes de presse ont déjà conclu des accords généraux avec les sociétés d'auteurs qui leur permettent d'utiliser des œuvres et prestations protégées. Les modèles économiques de la distribution en ligne sont en cours de construction.

L'adoption de cet amendement n'apporterait donc rien au droit de la presse en la matière.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

    Amendement n°157

Après le premier alinéa de cet article, insérer l’alinéa suivant : « 5° ter – Les reproductions d’œuvres situées de façon permanente dans les rues ou sur les places publiques ou visibles du domaine public non destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée ».

Exposé sommaire

La directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins tend à harmoniser le droit d’auteur au sein des Etats membres de l’Union et à concilier les intérêts légitimes des auteurs avec les droits et libertés des citoyens et des entreprises pour promouvoir et accéder à la culture. La directive prévoit expressément des exceptions aux droits de reproduction et de communication, notamment :

« Lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans les lieux publics »(Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 – article 5-3-h)

Cette exception doit être introduite dans le droit positif français :

  • le XXIè siècle sera le siècle de l’image ;
  • l’image des lieux publics est offerte à tous ceux qui s’y promènent et doit pouvoir être librement captée et reproduite ;
  • c’est le sens de l’évolution de la jurisprudence ;
  • le droit des auteurs est préservé par le maintient du droit moral, l’exception concernant le système d’autorisation et de rémunération ;
  • C’est déjà la législation de nombreux grands pays européens (Allemagne, Royaume-Uni,etc

2001. European Union Copyright Directive (EUCD) edit

 
Liberté de panorama en Europe.
Rouge : pas de liberté de panorama
Jaune : uniquement pour un usage non-commercial
Vert clair : bâtiments uniquement
Vert foncé, : y compris les œuvres d’art
Vert : y compris l'intérieur des bâtiments publics
Bleu : y compris l'intérieur des bâtiments publics, sauf exceptions
Gris : inconnu

« Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans

les cas suivants : [...] lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics ».

Documentation

Revue de presse

  • Katel Andréani, 7 novembre 2017, Méfiez-vous des photos nocturnes de la tour Eiffel, Ouest-France
  • Valentin Bourdarie, décembre 2016, La liberté de panorama, Rapport de recherche Master 1 « Droit et management de la culture et des médias »
  • Gabriel Coutagne et Florian Reynaud, 19 janvier 2016, Qu’est-ce que la « liberté de panorama », disposition controversée de la loi numérique ?, M Pixels
  • Pierre-Carl Langlais, 15 janvier 2016, France, libère ton panorama !, L’OBS avec Rue89
  • Karim El Hadj, 8 juillet 2015, La photo de rue en péril ?, lemonde.fr

Voir aussi